On parle souvent de l’ego comme d’une chose dont il serait souhaitable de se départir pour envisager le monde de manière plus collective et bienveillante. Il est vrai que les exemples ne manquent pas de dirigeants passés et actuels dont les egos sont décrits comme à l’origine de nombreuses dérives voire de déclins collectifs majeurs. Les dirigeants populistes en sont la parfaite illustration.
FINALEMENT QU’EST-CE QUE L’EGO ?
Sans entrer dans un débat philosophique qui n’est pas l’objet de ce propos, on pourrait le définir comme le besoin individuel d’exister et de se démarquer du collectif. En soi, cela n’a rien de problématiquedans la mesure où cela ne nuit pas à autrui.
A titre d’illustration, l’interview récente de Bernard Tapie sur TF1 est éloquente. Homme d’affaires polémique, amené de nombreuses fois devant la justice pour ses pratiques douteuses et une éthique discutable (ou en tous cas discutée), il a offert une merveilleuse leçon de vie en lien avec son combat contre la maladie. Il y énonce notamment la finalité universelle de toute personne : « arrêter de faire souffrir ceux qui sont autour de nous ». Serait-il arrivé à la conclusion que finalement son ego a pu le desservir et nuire à son entourage ?
L’ego peut en tous les cas être la cause de la très mauvaise performance de certains managers et dirigeants, car il mène à des décisions qui sont tournées vers soi, vers l’interne et non vers le client qu’il soit interne (collaborateur, fournisseurs) ou externe (clients).
Dans le cas d’un responsable des achats qui privilégie le fournisseur qui le flatte à travers des invitations dans de grands restaurants ou des propos valorisants, pensez-vous qu’il puisse contribuer durablement à la performance de l’entreprise, du collectif ?
PEUT-IL Y AVOIR PRISE DE RISQUE SANS EGO ?
A force de côtoyer des dirigeants d’entreprises privées et publiques de tous secteurs, une chose nous apparaît cependant clairement : difficile d’entreprendre sans ego.
L’ego de ce point de vue peut être vu comme un prérequis ou un vecteur de prise de risque. Comme si ce besoin d’exister de manière individuelle nous poussait à dépasser nos limites et bâtir collectivement. Apple est un bon exemple : l’égo réputé « surdimensionné » de Steve Jobs a permis de construire l’une des plus belles réussites de ces dernières décennies. L’ego peut ainsi se révéler comme un véritable créateur de valeur collective.
L’EGO : UNE IMAGE DE SOI… POUR QUI ?
L’ego : image que l’on souhaite se renvoyer à soi-même de ce que nous pensons idéalement devoir être.
Le problème n’est pas tant l’ego, que sa finalité. Jacques Salomé parle très justement de la tentation pour tout dirigeant de mettre l’organisation au service de son ego. Autrement dit l’individu et son ego deviennent la finalité du collectif.
Inversement, quand la cause de l’ego est noble et se tourne vers son environnement / son écosystème, alors l’ego devient un véritablelevier de transformation et de progrès collectif. Les grands noms de notre histoire en sont les meilleurs exemples. Auraient-ils pu accomplir leur œuvre sans un ego fort ?
L’EGO : UNE IMAGE DE SOI… AU SERVICE DE QUOI ?
Le combat devient dès lors non pas l’annihilation de l’ego (si tant est que ce soit possible), mais une connaissance et un développement de soi. Un dirigeant qui se connaît, qui a pu toucher du doigt sa fragilité, sa souffrance profonde, sera plus à même d’en faire une force et de se tourner vers le monde qui l’entoure avec bienveillance… en mettant son ego au service non pas de son narcissisme, mais d’une finalité noble qui le dépasse nécessairement (car transcendant les frontières de son être). C’est alors toute la force personnelle de l’ego qui devient un moteur de transformation constructif !
EN CONCLUSION, LA MATURITE DE L’EGO
Le dirigeant/manager d’exception ne serait-il pas celui qui a suffisamment de maturité et d’estime de lui-même pour ne pas avoir besoin de se construire une image, celui dont la force de l’ego est parvenu à un état de sérénité suffisant pour prendre des décisions dénuées d’autosatisfaction.
La confiance en soi est de ce point de vue indispensable, car elle permet de faire preuve de discernement sur ses qualités et ses défauts (autrement dit de faire preuve d’humilité) et d’avancer davantage avec les autres.
Il y a pour cela une clé fondamentale : rester ouvert et à l’écoute de l’autre, qui dérange parfois, mais fait grandir toujours.
Article co-écrit avec Stéphanie Vignon